Le nu est l’un des sujets les plus photographiques le plus inspiré et aussi le plus traité même s’il reste encore pour certaines personnes sujet à controverse car dans tous les domaines de la création le corps humain invite à la curiosité, la fascination, la discussion, voire la polémique. De nos jours, le monde de la photo de nu est en plein essor. Des corps dénudés, généralement de femmes, foisonnent dans chaque magazine, dans les rayons d’art des librairies et bien sûr sur les sites Internet qui se multiplient à la vitesse d’une génération spontanée. Bon nombre de ces images sont qualifiées de pornographiques mais cette notion fluctue au long du temps selon l’éthique et le regard porté par chaque groupe humain. Ce qui est certain, c’est qu’il se crée une quantité stupéfiante d’œuvres inspirées dont celles de Ning Fang qui en font partie. Le travail de cette artiste s’inscrit véritablement dans la direction de la « New Erotic Photography » qui sort des traditionnels sentiers battus où la photographie de nu avait marqué sa voie. 

J’ai rencontré Ning Fang pour la première fois lorsqu’elle vint à la société genevoise de photographie, le plus important groupement de photographes de Suisse dont je suis membre depuis plus de cinquante ans, effectuant l’enseignement dans le domaine de photographie de corps humains. En adhérant à cette communauté elle pensait à juste raison pouvoir partager sa passion qui l’animait depuis des décennies. Remarquant mes travaux sur le nu féminin elle pensait qu’elle pouvait certainement échanger quelque chose de son art avec moi. Après avoir vu ses ouvrages, j’ai bien constaté ceci : Une telle ouverture de sa part m’était totalement surprenante car j’avais toujours entendu dire que les femmes orientales, de part leur culture et leur religion étaient pudiques et n’exhibaient guère leur nudité. Bien sûr, j’avais déjà vu les photos que le grand maître Nobuyoshi Araki avait faites dans les années 1980 mais il s’agissait là de travaux réalisés dans les milieux des professionnelles du sexe du quartier Kabukichô de Tokyo. 

Ning a une force créatrice intérieure tout à fait remarquable, elle sent des choses qui la poussent dans des réalisations inédites. Les premières photos que je découvris d’elle furent celles d’innombrables fleurs sur des fonds unis. Puis je vis ces même images se mélangeant à des formes humaines, des parties de corps, en fait des vues partielles de son visage, de sa poitrine, de son sexe mais toujours dans une vision suggestive. Chaque œuvre ressemblait à une peinture et souvent je devais l’analyser longuement car la suggestion corporelle n’était pas toujours évidente au premier regard. Un peu plus tard Ning me dévoila un autre aspect de sa créativité photographique débordante. Ses images corporelles n’étaient plus suggérées comme les précédentes mais apparurent à mes yeux dans une netteté éblouissante de couleurs flamboyantes toutes aussi surprenantes de celles que j’avais déjà pu découvrir auparavant, des images uniques que je n’avais encore jamais vues ailleurs. Ning avait abordé une autre démarche en utilisant les outils traditionnels du peintre et la surface de son travail n’était autre que son propre corps. Je pouvais imaginer tout le soin qu’elle avait dû apporter à la réalisation de ses autoportraits corporels. Elle s’était plongée dans un univers de création sans limites mais toujours dans une vision de suggestion et c’est cette démarche d’autoportraits qui rend sa photographie si passionnante qu’elle ne considère pas comme provocatrice mais uniquement artistique. Ses images de sexes dans la géographie des corps, qu’ils soient féminins ou masculins ne représentent à ses yeux que des paysages de vie. 

Richard Forster –

Directeur de la Société genevoise de photographie